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“L’Algérie et le Sahara marocain” d’Abdellah Laroui : un conflit en héritage

Abdallah Laroui se penchait, en 1975 déjà, sur le conflit qui oppose le Maroc et l’Algérie à propos du Sahara. Force est de constater que son analyse historique, sociopolitique et économique de la situation ressemble en tous points à la situation vécue aujourd’hui. C’est un sage qui défend l’héritage historique aux dépens du droit international, qu’il estime non adapté partout ni à tous les conflits, car c’est le droit des puissants. Une œuvre d’actualité.

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Il est indéniable que l’action du Maroc pour récupérer son Sahara l’a hissé au niveau de la grande politique internationale ; il est permis de penser que cette expérience ne sera pas facilement oubliée”, prophétise Abdallah Laroui dans la préface de son livre. L’actualité semble lui donner raison.

Au Maroc, où la majorité de sa population n’a pas vécu cet épisode, même les plus jeunes semblent prendre position sur ce problème qui mine les relations maghrébines depuis plusieurs décennies. Est-ce “le recours par le Maroc aux instances internationales (qui) a considérablement affaibli sa position, mais cette erreur tactique ne saurait à elle seule rendre sans objet la revendication marocaine”? se demande Laroui.

La Chine ne l’a pas fait pour le Tibet et Taïwan, le Vietnam non plus quand il a récupéré ses provinces du sud suite à la débâcle américaine… Le droit international, selon l’auteur, à caractère étroitement latin-occidental, ne peut bénéficier au Maroc dans ses revendications. “Dans ces conditions, on ne peut exiger des patriotes marocains, au nom d’un internationalisme théorique et souvent unilatéral, qu’ils confondent idéologie et réalité, droit et histoire, présent et avenir, et se résignent à ce que le Maroc, à cause de sa Constitution jugée “traditionnelle”, soit la première victime d’un droit international en gestation”, analyse Abdallah Laroui. Le droit international, “c’est vraiment là le nœud du problème".

L’auteur, en fin historien et sociologue, décrypte la genèse des nations au fil du processus de colonisation entrepris par les puissances européennes tout au long des XIX et XX siècles. Contrairement à des États créés ex nihilo, et les exemples sont nombreux (Tanzanie, Côte d’Ivoire…), “le Maroc n’a pas été une province d’empire comme la Tunisie ou l’Égypte ; il n’a pas été conquis par une seule puissance qui aurait eu intérêt à accroître son territoire comme l’Angleterre le fit en Inde et la France en Algérie (…) C’est parce qu’il était un État, et le seul dans cette région de l’Afrique, qu’il s’est maintenu si tard qu’aucune puissance ne pouvait se l’approprier toute seule”.

Le colonisé colonisateur

Le processus de décolonisation aidant, celle du Maroc ne s’est pas faite en une seule étape, car il n’y avait pas qu’un seul colonisateur. Les provinces du sud, Ifni (rétrocédée en 1969) et Tarfaya (rétrocédée en 1958) restaient sous domination espagnole. C’est bien le Maroc, et non l’Algérie, “qui a fait voter, le 16 décembre 1965, une résolution à l’ONU appelant l’Espagne à hâter la décolonisation du Sahara et Ifni” L’Algérie, malgré les déclarations de bonnes intentions, malgré les accords de 1961 et 1969, ont toujours gardé secrètes leurs velléités de s’opposer au Maroc dans le processus de récupération de son Sahara. Ainsi sont douchés les espoirs de “ceux qui ont cru que l’Algérie, par le fait même qu’elle aura vécu plus longtemps sous la domination d’autrui (…) sera capable de produire des hommes qui choisiraient l’intérêt des peuples plutôt que les ambitions conjoncturelles d’un État identifié abusivement aux désirs profonds d’une nation, sont bien obligés de constater aujourd’hui que cette dialectique prospective est étrangère à la psychologie humaine, et que l’itinéraire le plus naturel pour celui qui a été dominé est de vouloir dominer à son tour”, regrette Abdallah Laroui.

Dans L’Algérie et le Sahara marocain, Abdallah Laroui s’attaque aux sources du problème, n’hésitant pas à remonter à la genèse des États issus de découpages coloniaux, et ceux qui préexistaient à la colonisation, dont le Maroc fait partie. Selon l’historien, le droit international ne peut supplanter la réalité historique, façonnée à travers les siècles, même si le Maroc a fait l’erreur de vouloir privilégier le premier. L’Algérie, bien qu’ayant grignoté des parts de territoire au Maroc, ignorant les accords signés entre les deux pays, poursuit la mission qu’avait commencée la France qui, croyant rester éternellement en Algérie, s’est servie généreusement à l’intérieur même des frontières reconnues du royaume, même à l’époque.

Aujourd’hui, “la seule justification rationnelle de la position de l’Algérie sur le Sahara occidental qui, bien qu’elle se cache derrière le principe d’autodétermination, ne peut paraître qu’agressive aux yeux des Marocains”. Les choses ont-elles changé depuis l’écriture de ce livre ? Cette analyse, écrite en 1975, aurait pu l’être en 2021 : la conclusion est la même, rien n’a changé. Mais la compréhension de la nature de ce conflit de plusieurs décennies révèle bien d’autres intentions. Les Marocains risquent de se passer ce conflit de génération en génération.

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